La plupart des enseignants d’arts martiaux n’ont jamais eu à se battre en situation réelle. Ils possèdent une idée très théorique sur ce que doit être un combat. Lorsque l’on enseigne des techniques de défense que l’on désire efficaces en situation réelle, il y a des règles à suivre. Pour avoir dû me défendre à quelques reprises lors de mon travail en sécurité, je peux vous dire que la théorie est une chose et que la pratique en est une autre.
Premier constat: votre adversaire ne réagira probablement pas comme le fait votre partenaire sur le tatami. Cela inclut une attaque sournoise, l’utilisation du premier objet qu’il trouvera ou encore l’aide d’un comparse. Si vous croyez que votre adversaire vous laissera le temps de faire quelques étirements ou d’enlever vos chaussures avant le combat, vous aurez une surprise.
Second constat: Je vois trop souvent des enseignants qui démontrent des techniques sans tenir compte de l’autre bras de l’agresseur. Combien de fois peut-on voir une clé de poignet qui amène une mécanique facilitant un coup de poing de l’autre main ? Beaucoup de professeurs ne tiennent pas compte de l’autre main en se disant qu’elle ne peut faire beaucoup de dommage si l’on contrôle l’un des bras, ils oublient que ça ne prend pas de puissance pour qu’une tape sur une oreille nous désoriente totalement. Il néglige le fait que le bout d’un ongle peut grafigner aisément notre cornée et nous faire relâcher notre technique de contrôle que l’on croyait blindée. On fait une superbe belle technique en luxant le poignet de la main qui tient un pistolet. Oui, le canon n’est plus dirigé sur le défenseur, mais en déviant l’angle de tir, le projectile est allé se loger dans la tête d’un enfant qui regardait la scène.
Troisième constat: L’inexpérience martiale. Cela prend des années pour apprendre à voir ces lacunes. Oubliez cela si vous avez moins de dix ans d’expérience dans les arts martiaux. L’expérience s’acquiert et ne s’achète pas. L’instructeur qui se situe dans cette catégorie doit redoubler de vigilance afin d’éviter de tomber dans ces pièges. Les arts martiaux et la politique ont une chose en commun, on a tendance à se laisser impressionner facilement par un enseignant à la parole facile. On doit juger un professeur par la logique de son enseignement et non par la teneur de son discours général.
Quatrième constat: J’ai malheureusement trop souvent vu des instructeurs qui mélangeaient toute sorte d’arts martiaux et qui laissaient tellement de lacunes en exécutant certaines techniques qui au premier regard semblaient si puissantes. Ce n’est pas parce que vous êtes ceinture jaune dans dix arts martiaux que vous équivalez à une ceinture noire d’expérience. Le corps humain est capable d’encaisser beaucoup plus que ce que plusieurs personnes croient. Le coup de genou circulaire exécuté en puissance dans les airs, est peut-être moins efficace qu’on le croit sur un adversaire sous influence de la drogue ou de l’alcool.
Cinquième constat: Des étudiants trop naïfs peuvent se laisser impressionner par les discours confiants de leurs professeurs. Je dis toujours à mes étudiants « ne croyez jamais vos professeurs aveuglément, regardez si ce qu’ils vous enseignent est logique». La première étape pour devenir un bon professeur est de devenir un bon étudiant et un bon étudiant doit se poser des questions et ne pas hésiter à questionner son professeur. Si ce dernier est compétent, il pourra répondre sans se sentir stressé ou menacer. Un petit truc à faire comme étudiant, se demander comment je pourrais me sortir de cette situation. Vous constaterez qu’il est souvent trop facile de se sortir de la plupart des clés que certains professeurs garantissent comme étant sécuritaires totalement.
Bernard Gregoire
Dai Shihan Bujinkan Québec
Source : https://bujinkanquebec.wordpress.com/2019/05/13/le-professeur-dexperience/
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